Page 2 - Rapport d'activité INJS 2020
P. 2

L’abbé Jean de Saint-Sernin

                    En 1781, Jérôme-Marie Champion de Cicé est nommé évêque de Bordeaux et simultanément « protecteur des sourds-muets
                    de Paris » où officiait l’Abbé de l’Epée. Impressionné par le talent et la réussite de l’abbé de l’Épée, Champion de Cicé veut
                    créer  un  établissement  comparable  à  Bordeaux.  Il  se  tourne  vers  un  autre  ecclésiastique :  Roch-Ambroise  de  Cucuron  qui
                    préfère utiliser le nom de sa mère et est donc connu et appelé l’abbé Sicard.
                    Jérôme-Marie Champion de Cicé envoie l’Abbé Sicard à Paris pour se former aux méthodes éducatives de l’abbé de l’Épée et, à
                    son retour, l’abbé Sicard souhaite créer sur place un institut destiné aux sourds.
                    C’est  à  ce  moment  qu’apparait  Jean  de  Saint-Sernin.  C’est  un  pédagogue  à  qui  l’abbé  Sicard  explique  et  transmet
                    l’enseignement de l’abbé de l’Epée et qui a le grand atout de déjà diriger une pension pour jeunes gens de familles aisées de
                    Bordeaux ou de ses alentours.
                    L’abbé Sicard - qui ne trouve aucune communauté religieuse acceptant de mettre à disposition un bâtiment - persuade Jean de
                    Saint-Sernin de trouver un local plus grand dans lequel il pourra accueillir ses pensionnaires ainsi que des jeunes sourds.
                    Jean  de  Saint-Sernin  s’installe  donc  dans  une  grande  maison  (située  39  rue  Capdeville).  Mais  lorsque  les  familles  des
                    pensionnaires  voient  arriver  les  jeunes  sourds,  en  haillons,  en  guenilles,  issus  de  familles  indigentes,  elles  retirent  leurs
                    enfants. Jean de Saint-Sernin se retrouve sans revenus ! Son engagement reste intact : il accueille les jeunes sourds et leur
                    délivre une éducation respectueuse de la méthode parisienne de l’abbé de l’Épée.
                    Le soutien « matériel et domestique » de l’abbé Sicard reste faible mais sa notoriété reste utile pour défendre cette nouvelle
                    institution. En revanche, il prend l’initiative de « monter à Paris » avec 2 ou 3 élèves de Jean de Saint-Sernin pour les exhiber
                    en séance publique et - beaucoup le disent - s’arroger la réussite du travail de Jean de Saint-Sernin.
                    Pendant ce temps, Jean de Saint-Sernin continue à enseigner, à éduquer et à se battre pour obtenir des chandelles, du papier,
                    du linge, des lits et des armoires,…
                    En 1789, Champion de Cicé est élu « député du clergé » puis ministre et enfin garde des sceaux. Il ne dispose plus de temps à
                    consacrer à la pension de Jean de Saint-Sernin (avant sa démission en novembre 1990 en raison de la constitution civile du
                    clergé avec laquelle il était en désaccord).
                    1789, c’est aussi l’année du décès de l’abbé de l’Épée (le 23 décembre) et la question de sa succession est ouverte.
                    L’abbé Sicard mobilise alors Jérôme-Marie Champion de Cicé et lui adresse un mémoire à cet effet que Champion de Cicé, sans
                    même le lire, transmet à Condorcet (Grand homme des Lumières, mathématicien et Girondin qui a su prendre partie pour la
                    cause des femmes et se prononcer pour le droit de vote des femmes).
                    Condorcet lit le mémoire de l’abbé Sicard, identifie l’abbé Sicard comme un vil flatteur et détruit même son mémoire.
                    L’abbé Sicard, étant un homme opiniâtre et très déterminé, allume un contre feux et persuade Champion de Cicé de faire
                    désigner le successeur de l’abbé de l’Épée par un jury composé de représentants de la Nation (dont Lafayette faisait partie). Il
                    se présente devant eux avec un jeune élève brillant de Jean de Saint-Sernin et sait si bien les séduire qu’il est retenu. L’abbé
                    Masse  qui  avait  été  désigné  par  l’abbé  de  l’Épée  de  son  vivant  comme  son  successeur  échoue  malheureusement  à  cette
                    épreuve.
                    A ce jour, l’institution de Bordeaux n’intéresse plus l’abbé Sicard qui en 1793 propose au comité d’instruction publique de
                    rayer de la carte l’école de Bordeaux. Apprenant cela, Jean de Saint-Sernin court vers Paris accompagné de deux de ses élèves,
                    demande à être reçu avec eux par le comité de l’instruction publique puis par la convention nationale.
                    Grâce à lui, un décret du 12 mai 1793 a institué l’école de Bordeaux en établissement national et une dotation annuelle de
                    16 000 livres lui est attribuée pour ses traitements et les pensions de 24 jeunes sourds issus de familles indigentes »
                    C’est ce jour et grâce à Jean de Saint-Sernin que peut être déclarée la naissance de l’INJS de Bordeaux.
                    Les Bordelais, sans souvent le savoir, rendent hommage à Jean de St Sernin en empruntant la rue qui porte son nom et qui
                    rejoint la rue Abbé de L’Epée !
   1   2   3   4   5   6   7