Histoire du français (6)
extrait de la frise chronologique : https://www.atilf.fr/actualites/frise-histoire-du-francais/
Alain Rey (ed.), Mille ans de langue française, Ed. Perrin, 2007 (1476 pages) – résumé
17ème siècle
VI. Enfin vinrent Malherbe et Marie de Gournay
Fin 16ème s. – début 17ème s. est une période de guerre, de complots, de pauvreté, de recul de l’éducation, de désolation. La France est aussi prise entre le modèle italien, toujours vivace, et la puissance de l’Espagne, qui grandit. Cela aboutit à l’annexion d’une partie de la Navarre, de la Gascogne, du Rouergue, et du Béarn (avec une tolérance pour le béarnais). A la suite des guerres, on assiste à des replis locaux : moins d’échanges, moins de livres.
Les écrivains du Sud magnifient la langue d’oc. Le début du 17ème voit une renaissance de la langue d’oc. Mais la défense de la langue d’oc n’empêche pas un attachement à la royauté : « français de langue occitane ». L’acculturation est progressive, accompagnée d’une perte d’identité.
Malherbe s’élève contre le maniérisme, l’excès de figures de ses prédécesseurs. Il cherche la pureté et la clarté. Il prend ses distances avec les modèles latins ou italiens. Il n’hésite pas à corriger le roi sur sa prononciation, écouter le peuple plus que les nobles. Il cherche l’usage commun – plus que celui d’une élite. Cet usage commun devient une norme. Malherbe est critiqué par les tenants d’une poésie à la Ronsard, riche de beaucoup de figures, d’effets, d’amples phrases. Malherbe au contraire a une expression plus « économique », prélude au classicisme.
Marie Le Jars de Gournay travaille avec Montaigne et le publie après sa mort Elle soutient la richesse de la langue et de l’expression, contre Malherbe et sa pureté. Elle soutient l’usage des métaphores. Jean-Louis Guez de Balzac publie ses Lettres – subjectivisme, tourné vers le moi privé, truffées d’ornements, de figures.
Se développe une querelle entre les puristes et les antipuristes, les modernes et les érudits. Pour Marie de Gournay, la poésie doit s’écarter de l’usage – contrairement à la volonté de la nouvelle école qui fait la poésie à partir de la prose. Un groupe de « modernes » se retrouvent dans des salons. La Cour est plus proche des modernes alors que le Parlement est plus conservateur.
Richelieu dresse une liste de 35 membres d’une Académie, qui se réunissent en 1635. Ces discours fixent les grandes questions qui formeront le classicisme. Mais ces discours visent plus l’éloquence, l’esthétique que la grammaire.
Le Cid de Corneille est critiqué par l’Académie, car le texte mêle les registres haut et bas. Corneille réplique.
Au 17ème s., différents courants s’opposent : littérature « d’évasion », burlesque, le parler populaire. Notamment Charles Sorel. Cyrano de Bergerac prône une expression parlée par rapport à l’expression corporelle-gestuelle.
Au 17ème s., des territoires et des langues perdent leur influence : le catalan, la langue d’oc… Les régions deviennent de simples provinces. Les nobles et bourgeois parlent français, le peuple non. Les langues régionales deviennent des patois. Des variations dans les prononciations sont éliminées. Les usages diffèrent selon les groupes sociaux, comme le parler des femmes par rapport aux hommes.
Début 17ème s., Jean Nicot, Thresor de langue françoise. Mais début 17ème s., il n’y a pas de grammaire française – hors grammaires écrites en latin.
1607, Grammaire de Maupas – une des premières tentatives par rapport aux questions syntaxiques.
1640. Antoine Oudin, Curiositez françoises
1647 : Vaugelas : Remarques sur la langue française (observations sur les usages de termes ou expressions – en vue du « bon usage »). Scipion Dupleix critique Vaugelas et sa volonté du bon usage contre les variations : il s’agit pour lui d’un appauvrissement. Au contraire, plusieurs auteurs louent et prolongent l’œuvre de Vaugelas.
1660 : Claude Lancelot et Antoine Arnauld publient la Grammaire générale et raisonnée… Grammaire de Port-Royal : le but est de dégager une philosophie du langage et les principes de la syntaxe.
Gilles Ménage – Dictionnaire étymologique (à partir des racines du bas latin), et Le Parnasse alarmé (contre les puristes et Vaugelas).
Le jésuite Dominique Bouhours suit Vaugelas. Il critique la traduction du Nouveau Testament par les jansénistes de Port-Royal, trop inventifs. Il promeut le bon usage.
Le parler de référence est celui de la Cour : les provinciaux ont beau se polir en lisant les bons auteurs, il leur reste, après toutes leurs lectures, « je ne sais quelle crasse dont ils ne sauraient se défaire » !
Le génie de la langue française consiste non dans le caractère synthétique du latin, ni la métaphorisation de l’espagnol ou de l’italien, mais du laconisme, de l’ingéniosité dans la formulation : élégance, justesse, délicatesse.
Bouhours inaugure un style, une disposition, une langue classique, à mi chemin entre le parler et l’écrit.
1670-1680 : Divers traités de rhétorique posent des questions de grammaire.
Le français est langue de poésie – sans craindre le latin ou le grec. D’ailleurs, ceux qui sont trop savants en latin ne peuvent avoir accès à la poésie française. Il s’agit d’une idéalisation linguistique.
La défense et valorisation du français doit être connu de tout citoyen. On promeut le génie de la langue française. Entre 1660 et 1680, le sentiment d’infériorité du français par rapport au latin laisse place à un français conquérant, arrivé à la perfection.
Les recherches, notamment étymologiques, ne sont plus centrées sur le latin, mais s’ouvrent à toutes sortes de langues. Voir Leibniz, Comenius…
Début 17ème s., les ouvrages scientifiques ou philosophiques sont majoritairement en latin. Fin 17ème, le latin tombe à moins de 10 %. Il n’est plus guère utilisé que dans l’Église.
1666, l’Académie des sciences traite les arts et les sciences en français.
1605, paraît le premier périodique français, le Mercure de France.
1624 : la Sorbonne autorise la soutenance de thèses en français.
1637 : Descartes, Discours de la méthode… Les querelles philosophiques se déploient désormais en français.
Le besoin d’un lexique adapté aux sciences modernes entraîne la création de nombreux termes selon les racines latines, mais surtout grecques.
La fin du 17ème voit le développement des langues de spécialités (scientifiques). Des mots, dans un cadre scientifique, peuvent recevoir des sens nouveaux.
Milieu 16ème s., un mouvement de réforme de l’orthographe se développe, mais il est interrompu par les guerres de religion. Ce n’est qu’à partir du milieu du 17ème qu’une nouvelle réforme de l’orthographe s’enclenche. Milieu 17ème s., il y a un décalage entre la prononciation et le système de notation. Le premier mouvement de réforme de l’orthographe vient des imprimeurs (notamment hollandais, non soumis à l’approbation du roi). Ainsi, ils distinguent i et u de j et v. + accent circonflexe + t et d devant le s du pluriel…
Paraissent différents essais de nouvelle orthographe, plus phonétique – critiqués par l’Académie qui reconnaît les irrégularités dans l’écriture des sons, mais demande de les conserver (comment prononcer « second » ?) : seul l’usage, la fréquentation des locuteurs permet cet apprentissage.
Corneille livre une nouvelle version de ses pièces, revues selon les critiques de l’Académie : en veillant à la correction grammaticale. De même, Andromaque, de Racine, est très critiqué pour son français. Racine s’entoure de grammairiens, comme Bouhours, pour corriger son français – ses pièces deviennent alors des classiques !
Vers 1670 s’élabore le canon de la langue classique – Racine, Boileau, Bouhours.
L’idéal du français est la clarté, brièveté, simplicité, élégance. Se répand une standardisation (niveau moyen/elevé) : les « Belles Lettres ».
Les mots à la mode sont répandus, au dépend de ceux qui sont vieillots et écartés (mais peuvent revenir plus tard, comme souci, volontiers, labeur, incorrect…
Les normes sont imposées par l’aristocratie, anti-intellectualiste. On a besoin de règles « sûres » face aux diverses opinions. C’est une période d’insécurité linguistique.
Fin 17ème s., c’est la pensée de Vaugelas qui s’impose.
Le Dictionnaire de l’Académie a un vocabulaire relativement limité, visant un certain niveau d’écrit. Les exemples cités ne sont pas des citations d’auteurs, mais des inventions du Dictionnaire.
1680 : César-Pierre Richelet, Dictionnaire françois (citant les auteurs, comme références)
1690 : Antoine Furetière, Dictionnaire universel – niveaux de langue différents, termes dialectaux, termes d’art… Il ouvre sur divers domaines scientifiques.
1694 : Thomas Corneille, Dictionnaire des arts et des sciences
1685 : révocation de l’édit de Nantes : exode des protestants français. Le français a des influences en Hollande, Suisse… Le français devient langue véhiculaire en Europe, mais pas encore langue diplomatique aux 17ème et 18ème s., sinon occasionnellement. Un mélange de mots français et autochtones crée des langages de discussion.
L’attitude des locuteurs envers leur propre langue est un fait majeur : valorisation, dévalorisation, constitution de hiérarchies, anticipation du regard d’autrui…