Financement de la prestation de compensation du handicap

Conseil constitutionnel

Décision n° 2023-1039 QPC du 24 mars 2023
JORF n°0072 du 25 mars 2023, Texte n° 80
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047341687

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 janvier 2023 par le Conseil d’Etat (décision n° 468567 du 20 janvier 2023), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l’association Handi-social et Mme Odile M. par Me David Nabet-Martin, avocat au barreau de Toulouse. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-1039 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-220 du 6 mars 2020 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap.

1. Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la loi du 6 mars 2020 mentionnée ci-dessus, prévoient :

« Dans la limite des financements du fonds départemental de compensation, les frais de compensation ne peuvent excéder 10 % des ressources personnelles nettes d’impôts des personnes handicapées mentionnées au premier alinéa du présent article, dans des conditions définies par décret.
« Le département, l’Etat, les autres collectivités territoriales, les organismes d’assurance maladie, les caisses d’allocations familiales, les organismes régis par le code de la mutualité, l’association mentionnée à l’article L. 323-8-3 du code du travail, le fonds prévu à l’article L. 323-8-6-1 du même code et les autres personnes morales concernées peuvent participer au financement du fonds. Une convention passée entre les membres de son comité de gestion prévoit ses modalités d’organisation et de fonctionnement ».

2. Les requérantes reprochent à ces dispositions, qui prévoient que les fonds départementaux de compensation du handicap sont chargés de verser des aides financières destinées à compenser les frais liés au handicap, de maintenir à la charge des personnes handicapées des frais pouvant représenter jusqu’à 10 % de leurs ressources personnelles. Elles font également valoir que ce plafond peut en outre ne pas être respecté dès lors que ces aides sont accordées dans la limite des financements disponibles et que les contributions à ces fonds ne sont pas obligatoires. Selon elles, il en résulterait une méconnaissance d’un « principe de solidarité et d’accessibilité de la société aux personnes handicapées », qu’elles demandent au Conseil constitutionnel de reconnaître, ainsi que des principes de fraternité et de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, et des exigences découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

3. Il en résulterait, pour les mêmes motifs, des différences de traitement injustifiées entre les personnes handicapées selon le fonds départemental dont elles dépendent, entre les personnes handicapées et les bénéficiaires d’autres prestations sociales, et entre les personnes handicapées et les personnes qui ne sont pas en situation de handicap.

4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le deuxième alinéa de l’article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles et sur les mots « peuvent participer au financement du fonds » figurant au troisième alinéa du même article.

5. En premier lieu, aux termes des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. – Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

6. Les exigences constitutionnelles résultant de ces dispositions impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes handicapées. Il est cependant possible au législateur, pour satisfaire à ces exigences, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées.

7. Selon l’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles, les personnes handicapées ont droit à la compensation des conséquences de leur handicap quels que soient l’origine et la nature de leur déficience, leur âge ou leur mode de vie. A cette fin, elles peuvent bénéficier, sous certaines conditions, de la prestation de compensation du handicap prévue par l’article L. 245-1 du même code, qui constitue une prestation d’aide sociale reposant sur la solidarité nationale.

8. L’article L. 146-5 du même code confie aux maisons départementales des personnes handicapées la gestion d’un fonds départemental de compensation du handicap chargé d’accorder des aides financières aux personnes handicapées au titre des frais de compensation restant à leur charge, après déduction de la prestation de compensation du handicap.

9. Les dispositions contestées de cet article précisent que, dans la limite des financements dont disposent ces fonds départementaux, les frais de compensation ne peuvent excéder 10 % des ressources des personnes handicapées. Elles prévoient que les personnes morales qu’elles énumèrent peuvent participer au financement de ces fonds.

10. Il ressort des travaux parlementaires que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu améliorer la prise en charge des conséquences du handicap en confiant aux fonds départementaux le versement d’aides facultatives, en complément des montants reçus au titre de la prestation de compensation.

11. Dans ce cadre, il était loisible au législateur de ne prévoir qu’un objectif non contraignant de réduction des frais de compensation restant à la charge des personnes handicapées après qu’elles ont bénéficié de la prestation obligatoire due au titre de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles et de ne pas imposer aux contributeurs des fonds départementaux un financement obligatoire.

12. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté.

13. En second lieu, selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

14. D’une part, les personnes handicapées qui bénéficient des aides financières versées par les fonds départementaux de compensation sont, au regard de l’objet des dispositions de l’article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles, placées dans une situation différente de celles des bénéficiaires d’aides sociales obligatoires reposant sur la solidarité nationale et des personnes qui ne sont pas en situation de handicap.

15. D’autre part, le législateur a pu permettre à ces fonds départementaux d’accorder des aides financières facultatives sans méconnaître le principe d’égalité.

16. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant loi doit donc être écarté.

17. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe de fraternité, ni le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel décide :

Le deuxième alinéa et les mots « peuvent participer au financement du fonds » figurant au troisième alinéa de l’article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-220 du 6 mars 2020 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap, sont conformes à la Constitution.

 

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