Histoire du français (3)

extrait de la frise chronologique : https://www.atilf.fr/actualites/frise-histoire-du-francais/

Alain Rey (ed.), Mille ans de langue française, Ed. Perrin, 2007 (1476 pages) – résumé

 

III. Latin et français

Au Moyen Age, le dialecte (très répandu) est considéré comme inférieur au français (langue de cour et d’administration), lui-même inférieur au latin.

Aux 12ème et 13ème s., les lettrés considèrent le français comme issu du latin. Puis voulant s’écarter de l’influence germanique, franque, on recherche une origine grecque. Puis au 16ème s., se répand l’idée de l’origine gauloise du français : langue celte, langue originelle transmise par les gaulois aux troyens, puis du grec au latin et du latin au français. Toutefois, l’idée que le français descend du latin se maintient.

On parle de diglossie : deux langues (ou plus) en présence, selon une distribution fonctionnelle des usages, un bilinguisme social. Le développement du français vis-à-vis du latin n’a pas été idéologique, objet de combats politiques, mais le fruit de décisions pragmatiques.

Au long du Moyen Age, la répartition des fonctions, entre latin savant et français populaire, tend à s’estomper : les usages peuvent se tuiler. Le français prend de plus en plus de place, jusqu’à une attitude autoréflexive début 16ème s.

Au temps de la réforme carolingienne, le latin est la langue de l’écrit, la langue vernaculaire est orale. Le latin est la langue de l’esprit et du sacré. Le latin est aussi pratiqué à l’oral dans les écoles et universités, latin scolastique. Le règlement des enfants de chœur de Notre-Dame de Paris impose de dénoncer ceux qui seraient surpris à parler français. Mais le latin pratiqué à l’oral subit des différences régionales, notamment dans sa prononciation. Et le latin oral emprunte des mots des langues « vulgaires ».

Du 09ème au 11ème s., diverses tentatives de transcription du système graphique latin aux textes français sont menées, souvent basées sur le phonétisme, dans le but de rendre plus lisible, compréhensible, l’écrit latin. Mais on constate un flottement dans la notation des sons pour lesquels le latin n’a pas de signe. Aux 12ème – 13ème s., la production écrite du français s’ancre – des ouvrages seulement en français se diffusent. Pour la langue d’oïl, cette mutation se déroule dans le second quart du 12ème s. La mise par écrit est souvent le fait de moines ou de clercs – d’où la prégnance du latin sur la notation du français. Au 13ème s., le système graphique du français se stabilise (comme pour la coupure des mots).

Pour l’ancien français, du 9ème au 13ème s., l’écrit est phonocentré : chaque lettre ou groupe de lettres a un correspondant dans le code oral : un son et un seul. A partir du 13ème s., apparaissent des graphies de lettres qui ne sont pas prononcées. Au début du 14ème s., se répand l’écriture cursive, plus rapide. Mais la lecture peut en être difficile : quatre jambages peuvent se lire : un, nu ou vii en chiffres romains. Aussi, l’écriture évolue, avec des boucles, courbes… et l’ajout de lettres muettes (adscrites). Ces lettres ont aussi souvent un lien avec l’origine latine du mot – étymologie visuelle.

La latinisation graphique consacre l’autonomie de l’écrit par rapport à l’oral et garantit la stabilité de la graphie. Avec l’imprimerie, l’hétérogénéité graphique se résorbe, et certaines simplifications orthographiques se diffusent.

Le latin est l’unique langue de la liturgie. Les langues vernaculaires sont celles de la prédication. Dès le 12ème s., des textes bibliques sont traduits en langues vernaculaires. Au 13ème s., ces traductions se multiplient, à destination des laïcs. Du 14ème au 16ème s., les traductions de la Bible se multiplient, encouragées notamment par les rois.

Au 12ème s., les traductions vaudoises de la Bible sont brûlées. Au 13ème s., des condamnations contre de « mauvaises » traductions se multiplient. Voire des interdictions de traduction sont prononcées.

L’hégémonie du latin est contestée par la Réforme. Erasme souhaite que tout chrétien ait accès à la Bible dans sa langue. Des évangiles en langues vernaculaires se diffusent.

Le latin chrétien a influencé le latin parlé tardif. Mais également les traductions ont amené en français des mots nouveaux. De même, les traductions de textes liturgiques (prières) et paraliturgiques (chants). La Vulgate et les diverses traductions de la Bible ont contribué à l’enrichissement du lexique français par des mots savants de l’ancien français.

La réforme carolingienne a accentué l’opposition entre le latin, langue des clercs et le vernaculaire, langue des laïcs – doublée d’un clivage oral (illettrés) / écrit (lettrés).

Jusqu’à la fin du Moyen Age, être lettré en langue vernaculaire signifie être d’abord lettré en latin. La maîtrise du latin, propre des clercs, permet de bénéficier de leur statut, comme relever d’un tribunal ecclésiastique plutôt que du bras séculier. Le bas clergé est souvent faiblement lettré. La prédication se fait en langue vernaculaire. La fréquence des sermons est importante – d’où également leur influence linguistique. Les sermons permettent de développer un vocabulaire religieux en français. Début du sermon : incipit (les premiers mots, le thème, souvent en latin, puis traduit en français). Puis le préambule : le problème et les commentaires ou extraits de textes patristiques. Longtemps, les sermons prononcés en français étaient conservés par écrit en latin, voire en un mélange entre français et latin.

Une partie de l’aristocratie apprend le latin. « Un roi illettré est un âne couronné ». Même dans la petite noblesse, la bourgeoisie ou les marchands, un contact fréquent avec le latin passe par les livres ou les prières (les Heures).

Le français s’est progressivement affirmé comme langue de la cour. A partir du 10ème s., l’aristocratie affirme son identité culturelle, défi aux préceptes de l’Eglise – chansons de geste, poésies, romans…

L’amélioration des contraintes matérielles au 12ème s. permet une nouvelle conscience de soi. Une tripartition se met en place, entre les chevaliers (bellatores), les clercs et les « vilains » (laboratores). La chevalerie n’est plus seulement militaire : s’y développe une littérature courtoise, avec une nouvelle éthique de vassalité par rapport à son seigneur et sa dame.

Au 12ème s., l’Eglise réaffirme la primauté du clergé et les règles de conduite de la force armée. Ainsi, l’Eglise investit la cérémonie de l’adoubement. Se développent aussi les croisades.

Au cours du 12ème s., le champ des langues vernaculaires s’élargit. Ainsi, le français accède au statut de langue juridique. 12ème s. : premier livre de droit en français.

Au 13ème s. paraissent les premières chartes en français – et textes d’engagement en français.

Au 14ème s., les textes importants de la vie publique du royaume sont en français – pour la langue d’oïl. En langue d’oc, le latin persévère. Même si les plaidoiries sont en français, le droit continue au 15ème s. à s’appuyer sur le latin. Au 15ème s., les enquêtes et procès doivent être rédigés en français.

L’histoire de la langue et le sentiment d’appartenance à la nation sont liés. Au 12ème et surtout au 13ème s., l’idée de nation s’impose.

Le roi des Francs devient le roi de France. On parle de « défense de la patrie ». Les guerres jouent un rôle important dans le sentiment national. La communauté politique repose sur la communauté linguistique. Parler français justifie d’annexer un territoire. Trois sources du sentiment national : éléments naturels (terre, sang, langue), mythes et légendes, et nature religieuse (épicentre à Saint-Denis).

Au 15ème s., les écrivains de cour insistent sur la valeur du français. Les œuvres en grec et latin sont traduites.

Toute langue a deux pôles : un pôle véhiculaire (destinée au plus grand nombre) et un pôle grégaire (marquer une spécificité, une frontière).

Les textes latins peuvent être traduits en français pour être compréhensibles par un plus grand nombre. Le latin est longtemps la seule langue internationale. En diverses cours d’Europe, la littérature française et les croisades permettent au français d’avoir une stature internationale. Mais à la fin du 15ème s., la stature internationale du français décline. Le latin reprend de la valeur.

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