Histoire du français (7)

extrait de la frise chronologique : https://www.atilf.fr/actualites/frise-histoire-du-francais/

Alain Rey (ed.), Mille ans de langue française, Ed. Perrin, 2007 (1476 pages) – résumé

 

18ème siècle

VII. Le français des Lumières

Début 18ème s., l’Académie ne publie que des remarques, questions de mots ou de style, commentaires de Vaugelas. La première grammaire de l’Académie, de Regnier-Desmarais, est décevante.

Buffier : Grammaire françoise sur un plan nouveau – il développe une construction du discours : règles de syntaxe, variations de styles… Mais l’Académie défend toujours des positions conservatrices. Elle ne publie pas de grammaire élaborée.

A la suite de Vaugelas, le 17ème s. a voulu épurer le vocabulaire, choisir les « bons » mots – quitte à limiter l’expression du français. Suite à la profusion des synonymes au 16ème s., le 17ème a voulu les limiter.

Gabriel Girard, 1718 : Traité de la justesse de la langue françoise. Il souligne que les mots, même synonymes, ont des effets différents. Il s’élève contre la recherche de pureté, il rétablit la richesse du vocabulaire.

Différentes recherches portent sur les synonymes : Condillac, Pierre Roubaud.

La langue n’est plus perçue comme figée, pure, le « génie » de la langue. Mais sa richesse dépend de sa culture, du développement des arts et des sciences.

Pour le discours scientifique, quelques-uns sont toujours attachés au latin, comme D’Alembert. Au contraire, l’Abbé Nollet diffuse un important lexique scientifique, en physique, mathématiques, chimie, anatomie, cosmologie. On note l’importance de l’œuvre de Newton. Puis on assiste à une diffusion de sommes destinées au grand public, lexiques spécialisés dans les différentes sciences.

Les lexiques spécialisés se développent aussi dans les Beaux-Arts. Les dictionnaires intègrent de plus en plus des vocabulaires spécialisés, autrefois limités à une corporation. D’autres domaines linguistiques se développent : commerce, économie, cuisine, musique. Dictionnaires et encyclopédies s’interpénètrent – jusqu’à celle de Diderot et D’Alembert. L’Académie évolue : le dictionnaire de 1762 intègre 5000 de ces mots. Mais l’Académie distingue la néologie –nécessaire, et le néologisme, qui est un abus, un excès.

La langue n’est plus un état figé, mais une évolution permanente. Tout le langage commun emprunte des sens dérivés de termes scientifiques. La langue évolue aussi par la diffusion de ces néologismes scientifiques : la généralisation de l’emploi de préfixes et suffixes. La deuxième moitié du 18ème s. est emplie de cette diffusion néologiste.

A la recherche du bon usage, d’une langue pure, les ouvrages littéraires au 17ème s. étaient souvent l’objet de critiques. Saint-Réal : 1691 : De la critique. Il note que cet excès de critiques est insupportable, car elle jette l’opprobre sur la littérature qui porte sur une langue vivante, non un idiome fixe.

Suite aux « hôtels » du 17ème, le 18ème voit le développement des salons. Outre les styles élevé, familier ou bas, la littérature s’ouvre à des styles individuels. Le vocabulaire « bas » devient objet de dictionnaires.

17ème et 18ème s., la poésie (admise) interdit toute une série de termes. Cf Restaut, Principes généraux et raisonnés de la Grammaire françoise. Pour Antoine Houdar de la Motte, la poésie n’est pas affaire de syntaxe ou de choix des mots, mais de vivacité des images et des pensées. Contrairement à Malherbe et Bouhours, Houdar réhabilite les métaphores et autres figures, tant pour la prose que pour la poésie. Il est critiqué par l’abbé Desfontaines qui le taxe de préciosité.

Le 17ème s. est tiraillé entre les canons d’une poésie figée et l’expérimentation d’une prose proche de l’oral. Cf les deux tendances chez Voltaire. De même au début du 18ème s. : voir Marivaux – qui reproduit le parler, mais pas le parler bas de la fin du siècle.

Le Duc de Saint-Simon développe la vigueur du parler, tant dans le vocabulaire que dans les ruptures de construction.

Comme pour Madame de Sévigné, la dynamique de communication prend le pas sur la norme grammaticale. Le français aristocratique de la 2nde moitié du 18ème s. est peu soucieux de la faute, mais de la subjectivité.

Début 18ème s., on commence à se réintéresser à l’éloquence, notamment aux métaphores, mais « avec ménagement ».

1730 : Du Marsais, Des Tropes. Contrairement au classicisme qui s’intéresse aux mots comme étiquettes ou produits sociaux, les mots peuvent prendre une signification qui n’est pas sa signification propre. La dimension éloquente du discours dépasse la simple syntaxe.

Les figures font partie du langage. La langue s’ouvre aux dimensions psychologiques, d’énergie. Mais ces réflexions théoriques ne sont pas forcément appliquées dans les faits. Quelques évolutions, comme des phrases plus courtes, des interrogations ou exclamations : prise en compte de l’interlocuteur dans le discours. Cela rend un aspect plus vivant.

Milieu 18ème s., entre 1730 et 1780, presque toute l’Europe considère le français comme langue véhiculaire (qui ne dure que quelques décennies selon les pays). Fin 18ème s, et surtout depuis la violence de la Révolution, les esprits européens se détournent du français comme espoir d’un progrès de la condition humaine.

Au 18ème s., le latin n’est plus langue internationale (traités…). La royauté française envoie de nombreux ambassadeurs ou émissaires dans tous les pays. Les productions intellectuelles et artistiques en français sont nombreuses. Les Cours du nord de l’Europe prennent plus de poids : elles sont marquées par l’influence du français et contrebalancent l’influence qu’avaient l’espagnol ou l’italien à la Renaissance.

Pour Condillac, le langage premier est langage d’action, non successif. Ce sont les langues qui détaillent les analyses et processus.

1697, Bayle, Dictionnaire historique et critique

1704, Dictionnaire universel de Trévoux (jésuite, contre celui de Bayle) : basé sur l’étymologie latine, il se veut affirmer un savoir, non émettre des doutes et des questions.

1751, premier volume de l’Encyclopédie (D’Alembert)

De 1782 à 1832 : Encyclopédie méthodique (imprimeur Panckoucke) : présentation thématique. Beauzée y note les connaissances sur l’appareil phonatoire et la structure phonologique du français.

Abbé Féraud, 1761 : Dictionnaire grammatical portatif de la langue française

1703, Jean Frain du Tremblay, Traité des langues. Toutes langues sont capables de beaux monuments de prose ou poésie.

Pour Vico, toutes les langues dérivent de leur capacité créatrice. Le français abonde en substantifs, mais est peu armé pour l’éloquence : il est plus analytique que poétique, plus porté à la didactique. L’éloquence réside dans la métaphore, la distorsion, l’arrachement.

1763, Rousseau, Essai sur l’origine des langues : il développe le caractère poétique des langues, leur harmonie musicale : le français est moins musical que l’italien, moins expressif.

Montesquieu, L’Esprit des lois. Les climats forgent les cultures et les langues – les langues du nord, plus analytiques, celles d’Asie et du sud plus poétiques.

Pour Voltaire, le français est langue de clarté et d’ordre.

1770 : Herder, Traité de l’origine des langues – interprétation culturaliste du langage et des langues.

Selon Pierre-Nicolas Bonamy, l’origine du français n’est pas tant dans le latin classique que dans le latin « vulgaire » – il insiste sur l’importance des variétés basses de la langue.

Il est intéressant de connaître le contexte (social, économique…) pour comprendre l’évolution des langues. Et le français médiéval n’est pas la simple ébauche d’un français plus pur, mais d’une variété du français.

1768, Lacombe, Dictionnaire de la langue romane – et 1774, abbé Millot : Histoire littéraire des troubadours.

1742, Lévesque de La Ravalière, Histoire des révolutions de la langue française – note l’origine celte du français. cf aussi J.B. Bullet, Mémoires sur la langue celtique (origine du gaulois), et La Tour d’Auvergne : Origines gauloises et celtes…

Le Concours de Berlin pose la question : la langue française est-elle langue universelle de l’Europe ? Certaines contributions insistent sur le contexte externe, politique. Rivarol insiste sur le côté interne : le français suit l’ordre naturel de la pensée. Et c’est une langue rationnelle, moins marquée par les métaphores. Certaines critiques lui sont adressées. Pour certains, l’élément dominant du français en Europe est la politique conquérante des rois de France. Les langues sont de plus en plus analysées par rapport aux mœurs, aux peuples : on passe du génie des langues au génie des peuples.

Même si le français progresse dans l’élite, les patois restent vifs, notamment dans le Sud. Paraissent de nombreux ouvrages sur le breton, la langue d’oc… Mais ils portent sur des usages souvent anecdotiques de la langue : pièces de théâtre, humour… Les patois peuvent aussi servir à critiquer le pouvoir (royal). Le breton est souvent lié aux classes pauvres, et à un discours religieux. Les patois sont marginalisés : usages inférieurs à la langue nationale. Les patois s’inclinent à devenir des variations du français. L’aristocratie, en opposition à la bourgeoisie montante, prend lien avec les patois – souvent montrés sous l’angle de la grossièreté. Le patois, langage du peuple, est associé à un langage gaillard, « poissard ».

L’argot est longtemps associé au langage des voleurs (Cartouche, 1721), synonyme au 17ème s. de jargon, langage hermétique. Il devient au 18ème s. variété basse de la langue.

Sade : à la fois aristocratique et ordurier. On assiste à la disparition de l’honnête homme qui a un bon usage de la langue : les mots proscrits se trouvent dans toutes les bouches.

Au cours du 18ème s., l’enseignement en français se développe au dépend du latin. Se développe aussi la lecture muette et diversifiée, surtout en ville.

Au début du 18ème s., paraissent diverses grammaires tentant de simplifier l’orthographe.

L’Académie, dans ses dictionnaires de 1740 et 1762, apporte des innovations d’orthographe (-s, accents…). Mais certaines irrégularités ne sont pas supprimées, jusqu’à aujourd’hui.

Se produit aussi une évolution des prononciations, comme oi – ai. Mais le vocabulaire porte toujours des irrégularités : fléau – août, direct – aspect, tabac – lac…

Les gens peu instruits continuent à écrire de manière aléatoire, comme ils prononcent.

Révolution

La Révolution a une influence sur l’éloquence de la parole publique, polémique. Les brochures et journaux se multiplient, et se répand une communication visuelle : peintures, caricatures, vêtements…

On assiste également à une multiplication des métaphores – bucoliques, corporelles, religieuses, morales. Des mots français ont une nouvelle signification – révolution, fraternité…

L’Abbé Siéyès développe une nouvelle langue politique.

Les luttes sont cristallisées dans des mots. Se répandent de nombreux néologismes – les communes, rues, places, prénoms sont débaptisées : noms des mois et jours, des poids et mesures. Le citoyen pousse au tutoiement, et à de nouvelles dénominations. La langue française n’est plus celle de l’élite, mais celle du peuple.

L’Académie est dissoute en 1793, mais son dictionnaire paraît en 1798, avec 213 néologismes. Elle est rétablie en 1816.

L’abbé Grégoire : 1793 : Rapport sur la nécessité d’anéantir les patois et d’universaliser la langue française. Il considère que la pluralité linguistique est un asservissement. L’enquête sur les patois est intéressante, mais ses souhaits ne seront pas exhaussés avant fin 19ème s.

On assiste à es désaccords entre les tenants d’un unilinguisme français et l’acceptation des patois.

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