Information en santé des jeunes sourds
Question de Mme Colette Mélot (Seine-et-Marne – Les Indépendants) publiée le 20/04/2023
Mme Colette Mélot attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur l’accès aux informations concernant la santé pour les jeunes sourds et malentendants.
Agir pour la réduction des inégalités est aujourd’hui une priorité des politiques publiques. Mais nous le savons, les personnes en situation de handicap sont potentiellement plus vulnérables et moins réceptives aux actions de prévention. Les campagnes de prévention sont difficilement accessibles aux malentendants dans la mesure où la maîtrise de la lecture ayant été freinée par le handicap, elle peut les mettre en difficulté dans la compréhension des messages. De plus, les sourds ont un mode de communication très visuel. Les supports de prévention « classiques » sont donc peu adaptés à ce public.
Ainsi, pour les jeunes malentendants scolarisés, l’accès aux informations santé, qu’il s’agisse d’addictions, d’alimentation, de santé sexuelle, de santé mentale, d’écrans et de réseaux sociaux, de harcèlement scolaire, est problématique. C’est un public vulnérable aux difficultés multiples, et ce, quel que soit l’âge. L’information qu’ils reçoivent est souvent parcellaire parce que peu adaptée à leur handicap. Cela s’explique aussi par le fait que les interprètes sont encore trop peu nombreux et que le 114 (numéro d’urgence pour personnes sourdes et malentendantes) ou encore « Fil santé jeunes » qui a mis en place un service d’interprètes, sont, si l’on en croit les jeunes concernés, encore trop méconnus. Si l’on y ajoute que la lecture et sa compréhension sont parfois compliquées pour nombre d’entre eux, l’addition de ces facteurs a pour résultat un isolement dont ils font part avec des conséquences psychologiques qui peuvent être désastreuses et un grand sentiment de solitude. Aussi, compte tenu du déficit préoccupant d’accès à l’éducation à la santé pour ce public particulièrement vulnérable, elle demande comment créer les conditions nécessaires pour que les campagnes diffusées dans les établissements scolaires puissent être accessibles ? Le service de santé de l’éducation nationale doit pouvoir interagir avec les jeunes et leurs familles, les interprètes, les codeurs, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), les services de soins, afin de préparer et accompagner les actions de sensibilisation et favoriser l’accès à des supports adaptés. Les jeunes sourds et malentendants sont citoyens à part entière et doivent être aussi égaux en droits face à l’accès à l’information et à l’éducation à la santé.
Publiée dans le JO Sénat du 20/04/2023 – page 2556
Réponse du Secrétariat d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargé de la jeunesse et du service national universel publiée le 17/05/2023
Réponse apportée en séance publique le 16/05/2023
le président. La parole est à Mme Colette Mélot, auteure de la question n° 622, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Colette Mélot. Madame la secrétaire d’État, agir pour la réduction des inégalités sociales de santé est aujourd’hui une priorité des politiques publiques. Mais, nous le savons, les personnes en situation de handicap sont potentiellement plus vulnérables et moins réceptives aux actions de prévention.
Les campagnes de prévention sont difficilement accessibles aux malentendants dans la mesure où la maîtrise de la lecture, qui a été freinée par le handicap, peut les mettre en difficulté dans la compréhension des messages.
De plus, le mode de communication des sourds est très visuel. Cela rend les supports de prévention classiques peu adaptés à ce public. Ainsi, pour les jeunes malentendants scolarisés – c’est un public vulnérable qui rencontre des difficultés multiples -, l’accès aux informations relatives à la santé est un sujet massif, qu’il s’agisse des problèmes d’addiction, d’alimentation, de santé sexuelle ou mentale, ou encore de ceux qui sont liés aux écrans, aux réseaux sociaux, voire au harcèlement scolaire.
L’information qu’ils reçoivent est souvent parcellaire, car elle est peu adaptée à leur handicap. Cela s’expliquerait aussi par le fait que les interprètes sont encore trop peu nombreux ; par ailleurs, le numéro 114 ou le dispositif Fil Santé Jeunes, qui est doté d’un service d’interprètes, sont encore trop méconnus, si l’on en croit les jeunes concernés.
À tout cela il faudrait ajouter que la lecture et la compréhension sont parfois compliquées. Or de l’ensemble de ces facteurs résulterait un isolement des personnes concernées – certaines d’entre elles m’en ont fait part -, dont les conséquences psychologiques peuvent être parfois désastreuses.
Le service de santé de l’éducation nationale doit pouvoir interagir avec les jeunes et leur famille, les interprètes, les codeurs, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et les services de soins, afin de préparer, d’accompagner les actions de sensibilisation et de favoriser l’accès à des supports adaptés.
Alors que les déserts médicaux sont une réalité dans notre pays et que la prévention est l’un des défis majeurs de notre politique sanitaire, comment créer les conditions nécessaires pour que les campagnes diffusées dans les établissements scolaires puissent être accessibles à ce public ?
le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.
Madame la sénatrice Mélot, nous connaissons bien votre engagement pour une école inclusive, en faveur de tous les enfants, qu’ils vivent en territoire urbain ou rural, qu’ils soient porteurs ou non d’un handicap.
Vous avez raison, la promotion de la santé à l’école est un objectif essentiel. Il serait incohérent de dire que l’éducation est la mère de toutes les batailles sans accompagner de la même manière chacun des élèves et des enfants.
Lorsque la santé est promue à l’école, on le sait, le climat scolaire est de meilleure qualité. Cela permet de rendre tangible, d’incarner la promesse républicaine de l’égalité.
Mais, en réalité, de grandes difficultés persistent, et cela en dépit de l’objectif de renforcement du pouvoir d’agir des élèves et de lutte contre les discriminations et les handicaps à l’intérieur de l’école.
Les élèves sourds, à l’instar des autres élèves, ont un droit fondamental à l’éducation. Ce droit impose – j’y insiste – au système éducatif de s’adapter, afin de leur offrir les meilleures chances de réussite et une diversité dans leur parcours, et non de leur tracer des limites. Ils n’ont aucune raison de voir leurs choix limités.
Pour cette raison, la scolarisation en classe ordinaire ou en unité localisée pour l’inclusion scolaire et en unité d’enseignement, et la mise en place de parcours de formation pour les jeunes sourds dans des pôles d’enseignement sont en développement croissant.
Cependant, en ce qui concerne l’accès aux informations écrites, notamment la lecture, un programme d’enseignement bilingue, en langue des signes et en langue française, devrait être prochainement publié, dans lequel je fonde énormément d’espoirs.
Vous suivez ce sujet de très près, je le sais, madame la sénatrice. L’apprentissage de la lecture pour tous les élèves sourds est un enjeu fondamental pour l’expression d’une citoyenneté également éclairée. L’enseignement de la langue des signes française (LSF) et en langue des signes française par les professeurs garantit aussi l’éducation à la santé aux élèves en situation de surdité.
Enfin, la transposition en droit français de la directive européenne relative aux exigences en matière d’accessibilité applicable aux produits et services vise à assurer l’accessibilité native des livres numériques, afin d’en garantir l’universalité pour l’ensemble des élèves.
Madame la sénatrice, je sais pouvoir compter sur votre mobilisation pour que sa transposition soit rapidement réalisée.
Publiée dans le JO Sénat du 17/05/2023 – page 4253