Querelles littéraires

Les écrits peuvent être l’objet de polémiques acharnées ! Et ceci n’est pas nouveau…

Ainsi, une des premières querelles littéraires : la querelle du CID.

Les faits :

En 1636, Pierre Corneille (1606-1684) écrit une pièce de théâtre : le CID.

En janvier 1637, Le Cid est créé par la troupe du Marais, de Montdory, au théâtre du Jeu de paume, rue Vieille du Temple, dans le Marais : le succès est immédiat et immense ; les lettres de noblesse sont accordées au père de Corneille en guise de gratification du poète.

Le 20 février 1637, Corneille publie une épître en vers, « Excuse à Ariste », où il se prévaut de sa propre gloire :

« Je sais ce que je vaux, et crois ce qu’on m’en dit :

Pour me faire admirer je ne fais point de ligue,

J’ai peu de voix pour moi, mais je les ai sans brigue,

Et mon ambition pour faire plus de bruit

Ne les va point quêter de réduit en réduit.

Mon travail sans appui monte sur le théâtre,

Chacun en liberté l’y blâme ou l’idolâtre,

Là sans que mes amis prêchent leurs sentiments,

J’arrache quelquefois trop d’applaudissements,

Là content du succès que le mérite donne

Par d’illustres avis je n’éblouis personne,

Je satisfais ensemble et peuple et courtisans

Et mes vers en tous lieux sont mes seuls partisans ;

Par leur seule beauté ma plume est estimée

Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée. »

Dès mars 1637, des voix s’élèvent pour le critiquer, et des jalousies se manifestent.

Ainsi, fin mars 1637, un pamphlet paraît sous pseudonyme (l’auteur en est Mairet, 1604-1686), dramaturge et ancien ami de Corneille, intitulé L’Auteur du Vrai Cid espagnol à son traducteur français, sur une Lettre en vers qu’il a fait imprimer, intitulée Excuse à Ariste, où après cent traits de vanité, il dit parlant de soi-même : Je ne dois qu’à moi seul ma renommée.

« Je parle à toi Vanteur, dont l’audace achevée

S’est depuis quelques jours dans le ciel élevée

Au mépris de la terre, et de ses habitants,

À toi dont l’insolence en tes écrits semée

Et bien digne du fat des plus fous Capitans,

Soutient que ton mérite a fait ta renommée. » (extraits)

Le 1er avril 1637, Georges de Scudéry, dramaturge et ancien ami de Corneille, publie à son tour un libelle de 98 pages intitulé Observations sur Le Cid, comportant un préambule, et des remarques sur le sujet de la pièce, sa vraisemblance, les règles théâtrales, le caractère moral des personnages et la bienséance.

« Je prétends donc prouver contre cette pièce du Cid,

Que le sujet n’en vaut rien du tout,

Qu’il choque les principales règles du poème dramatique,

Qu’il manque de jugement en sa conduite,

Qu’il a beaucoup de méchants vers,

Que presque tout ce qu’il a de beautés sont dérobées,

Et qu’ainsi l’estime qu’on en fait est injuste. » (extraits)

De mai à décembre 1637, la querelle fait rage : Corneille répond à ses détracteurs, de nouvelles critiques sont publiées… A tel point que Richelieu demande à l’Académie française de se prononcer.

En 1638, paraît les « Sentimens de l’Académie françoise sur la tragi-comédie du Cid », qui est le premier ouvrage de l’Académie, bien avant son Dictionnaire (1694). Fin de la querelle.

En 1647, élection de Corneille à l’Académie française !

(voir le dossier pédagogique de l’Académie française :

https://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/07_07_2022_dossier_querelle_du_cid_bis.pdf

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