Marie-Pauline Larrouy
Juillet 1899, Marie-Pauline Larrouy devient officier d’Académie. Elle reçoit des palmes en argent suspendues à un ruban moiré violet. Alors directrice de l’institution des sourds d’Oloron dans les Basses-Pyrénées, elle est la première et la seule femme parmi la petite vingtaine de sourds décorés . En janvier 1913, elle est promue officier de l’Instruction publique.
Les pistes de recherche.
Que reste-t-il d’une vie, une centaine d’années plus tard ? Quelques traces éparses collectées ci et là, quelques actes juridiques, quelques écrits au mieux, si la personne a été productive de son vivant ou si elle a marqué les esprits.
Prenons alors notre moteur de recherche préféré, inscrivons le nom de Pauline Larrouy et ajoutons l’adjectif « sourde » : que trouvons-nous ? D’abord le site des Merveilles de l’INJS, puis celui de l’Académie française et ses discours sur les prix de vertu. Le lien vers L’histoire des sourds de France est en demande d’informations à son sujet et un dernier site nous propose d’acheter une brochure intitulée Notice sur Marie Dupouy, sourde-muette, écrite par Pauline Larrouy.
Suivons chaque piste et tâchons d’en relier les différents fils.
Le portrait ci-dessous fait partie des trésors de l’Institut national de jeunes sourds de Paris. Il a été réalisé par René Hirsch graveur et lithographe, lui-même sourd. On y voit une femme souriante au visage ouvert et avenant. Elle est alors âgée d’une cinquantaine d’années. On la signale comme la seule Sourde-Muette de France officier d’académie. Elle obtient ce grade dans l’Ordre des Palmes académiques en 1899, alors qu’elle exerce les fonctions de directrice de l’institution des Sourds-Muets qu’elle a créée à Oloron depuis vingt ans.
Le deuxième fil nous mène sur le site de l’Académie française. En effet, Marie-Pauline Larrouy figure parmi les seize personnes évoquées par Gaston Boissier, directeur de l’Académie dans sa séance du 24 novembre 1887. Quoique critiqués par Baudelaire ou Octave Mirbeau, les prix de vertu, dits prix Montyon du nom de leur initiateur, sont décernés chaque année à des personnes déclarées méritantes et ce depuis la fin du XVIIIe siècle. Ce sont tour à tour la fondatrice des Petites Sœurs des pauvres, un esclave guyanais, une lingère d’Indre-et-Loire ou plus récemment les moines de Tibhirine qui sont honorés. Chaque année des acteurs de terrain – collectivités locales, assistants sociaux, institutions – communiquent à l’Académie un dossier pour signaler tel ou tel acte de courage et de solidarité.
En 1887, les académiciens en reçoivent deux-cent-dix et en sélectionnent cinquante. Ils attribuent le grand prix à un marin de Calais, sauveteur en mer. Onze médailles de 1000 francs sont distribuées ; l’une d’elles à Pauline. Gaston Boissier nous fait le récit de son action “plus extraordinaire encore” que celles citées jusque là.
Écoutons-le :
Sourde-muette de naissance, Marie-Pauline Larrouy fut élevée à l’Institution nationale des sourds-muets de Bordeaux. Pénétrée de reconnaissance pour une éducation qui lui permettait de ne pas vivre tout à fait séquestrée de la société et lui rendait en partie ce que lui avait refusé la nature, elle résolut de se dévouer à en répandre les bienfaits.
Et Gaston Boissier de nous faire le récit émouvant de la passion de Pauline :
la vertu a ses entraînements comme le vice ; on peut faire des coups de tête, des folies de charité.
Pauline, à cours de ressources pour élever, nourrir et instruire les enfants sourds qu’elle a réunis, s’en va tendre la main en quête de quelque richesse. « C’était l’image de la misère, frappant à la porte de la pauvreté », commente l’académicien. Que récolte-t-elle ? Des vêtements, des vivres, du pain. Mais, « ces temps pénibles sont révolus. »
Le département des Basses-Pyrénées et la commune d’Oloron accordent des aides à l’établissement créé par Pauline et en assurent ainsi la pérennité. En 1887, l’école compte une petite vingtaine d’élèves, filles et garçons.
Le dernier fil nous ramène à la jeunesse de Pauline, alors élève de l’Institution des sourds-muets de Bordeaux.
suite : https://injs-bordeaux.org/marie-pauline-larrouy-2/